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mercredi 18 mai 2011

PORTRAIT : Hervé CLOUET d'ORVAL

Hervé CLOUET d’ORVAL était l’un de mes mentors.

Dans les années 70 nous étions très proches l’un de l’autre . Il me fit commettre les plus grands bévues de mon existence mais je ne lui en veux pas, bien au contraire car il m’a ouvert les yeux sur un monde que je ne connaissais pas ( Il m’a fait démissionner de l’Education Nationale pour … entrer dans le bâtiment ( A la fin des années 70 il faut avouer que ça marchait plutôt bien !), il m’a poussé à me présenter contre Dumeige et à l’attaquer pour fraude électorale devant un tribunal ( J’en paye encore le prix aujourd’hui !), il a préféré un bal à Vimoutiers plutôt qu’une soirée dans un grand restaurant de la capitale après avoir occupé la loge présidentielle à l’Opéra,  il m’a fait quitter ma copine de l’époque, etc.…)
Avec Hervé, comme vous pouvez en juger, on ne s’ennuyait jamais !

Ma mère n’était pas du même avis (Elle n’a surtout pas aimé que je quitte le collège !)

Il était très érudit et même savant, me faisant profiter de ses multiples connaissances .  Excellent architecte, il ne prenait jamais un crayon pour exprimer son art mais, plus fort, il avait réussi à former des principaux collaborateurs pour qu’ils soient sa main et crayonnent comme lui .  Il était un peu anar (sous des faux airs de marquis tout droit sorti de Versailles) et comme certains politiques … aimait les femmes ! Il portait les cheveux longs et bouclés quand la mode était aux cheveux courts. C’était un être atypique !

Je me souviens avec délectation de nos longues balades à Paris et de ses bons mots . Passant devant l’appartement où s’était déroulée sa jeunesse et qu’avait ensuite racheté le général Salan il avait lâché l’une de ses meilleures ( et incongrues) formules .  Le général avait écrit ses mémoires dans son bureau qui avait été autrefois la chambre d’enfant et d’adolescent d’Hervé et il eut une manière pour le moins « particulière » d’évoquer ces … heures .


En passant devant un appartement il me raconta, une autre fois, comment le père d’un de ses amis, Polytechnicien, avait conçu puis fabriqué un bateau dans la chambre qu’il possédait au 6e étage. Les enfants du quartier étaient ébahis de tant de technicité . Il n’avait oublié qu’un fait, c’est qu’il faudrait bien un jour l’extraire de cette pièce pour le mettre à l’eau dans la Seine … Alors, il le scia … !
J'ai pris cette photo sur un escalier qui  ne menait
nulle part pour qualifier son art quelque peu original...


Les mésaventures vécues avec lui couvriraient un livre .Ses histoires ont un côté « Cosinus » . Une autre fois, il m’emmena au dernier étage des invalides observer les places fortes qui bordaient nos frontières sous la IIIe République. Nous n’étions qu’une dizaine de visiteurs ! Il fallait toujours que nos sorties servent à mon éducation …

Un autre jour, nous nous trouvions chez Lecat qui était alors Ministre de la Culture et il fut
innommable . Nous avions patientés longtemps, très longtemps et les échanges d’Hervé avec une dame qui était chargée de réguler les entrées s’étaient mal passées dans l’antichambre du Ministre. Il ne put s’empêcher de demander à ce dernier si nous avions eu affaire à son « chef de Cabinet » ou à sa …« dame pipi » !! Ayant bien mangé à midi, il s’endormit  (comme il en avait l'habitude)  très bruyamment pendant l’entretien avec Lecat. Il ronfla abondamment . Il nous avait déjà fait le coup chez le maire d’Argentan .

Le soir, il ruina le dîner que nous avions prévu avec un éditeur parisien sous de futiles prétextes comme la qualité du papier employé …

La même nuit, encore, vers 2 heures du matin, il voulut récupérer sa « cage à serin », une magnifique 4 L jaune qu’il avait stationnée dans la cour du Conseil d’Etat pour être à l’heure au rendez-vous fixé par Mr.Lecat .

Il fit un tel bazar sur les grilles de ce docte établissement qu’un gardien sortit bien vite de l’ancien Hôtel particulier et lui rendit sa 4 L ( Il n’y avait pas encore de test de dépistage d’alcoolémie à l’époque…)

Une autre fois, toujours avec sa « cage à serin » nous l’attendions dans l’Orne à un rendez-vous de chantier auquel il était (une nouvelle fois) en retard.

Soudain, nous eûmes une vision quasi surnaturelle, apocalyptique ! . L’image ressemblait à cette boule de verre que l’on vendait à Montmartre ou dans les principaux lieux touristiques et qui montrait, en la retournant, le monument en question sous des flocons de neige. Nous vîmes soudain apparaître la « cage à serin » pleine de neige et Hervé qui se révélait soudain en souriant contrit et forcé sous ces flocons artificiels. Le véhicule fit demi-tour et repartit comme il était venu … Interrogé par la suite, Hervé me raconta que des chats s’étaient laissés enfermer dans la voiture et avaient éventré les coussins qui s’y trouvaient provoquant une pluie de mousse dont il se serait bien passée…Il avait finalement opté pour un rapide passage .

Une nuit, en rentrant de Paris, il m’avait confié le volant de la CX qu’il venait d’acquérir . Pendant ce temps, il dormait sur la banquette arrière de la voiture . Nous fûmes arrêtés par les gendarmes à la sortie de la capitale. Ceux-ci me demandèrent de sortir et de mettre les mains sur te soit de la voiture . Ils étaient énervés, Mesrine venait de se faire la belle. Me demandant d’ouvrir le coffre, je leur répondis que le propriétaire avait le trousseau de clés dans sa poche et ils secouèrent Hervé qui n’aimait pas être réveillé de la sorte et les insulta copieusement .

Un autre soir où il avait fêté la venue d’un ami il s’attaqua à un conseiller général influent devant un député mort de rire . Il perdit la commande de la salle de réunion dont il avait eu confirmation quelque temps auparavant.

Je pourrais vous raconter des histoires indéfiniment .

Son père, Jean d’ORVAL, qui avait été Maire de Camembert après avoir mené toute sa carrière dans un usine d’armement, me fit venir à son domicile, à Vimoutiers, pour me demander ce que j’en pensais … objectivement .

Un jour, nous comprîmes que mon arrière grand-père ( le père de ma grand-mère maternelle) était venu à Camembert comme régisseur du domaine quand son grand-père fut contraint de vendre le Château d’Orval et ses terres pour des raisons financières (Ma grand-mère est née à Camembert au XIXe siècle n’en déplaise à certains !) . Il me raconta que son grand père n’était jamais retourné à Camembert durant toute sa vie et n’avait jamais prononcé le nom de CAMEMBERT ni celui de son ancien domaine.
Architecte à ARGENTAN, c’est lui qui m’a fait rencontrer Roger JOUADE !
                       
Mort en 1980, il m’a offert un coussin que je conserve respectueusement . Celui-ci porte la mention : « A DEUX, ON EST PAS SEUL ».

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