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mercredi 11 mai 2011

10 MAI 1981/10 MAI 2011 : DEJA TRENTE ANS !

Il y a déjà trente ans, François Mitterrand était élu à la Présidence de la République . Au début, je dois vous l’avouer : je n’ai pas applaudi, j’ai même trouvé que les Français prenaient un risque inconsidéré en l’élisant à la plus haute charge du Pays.

Et puis, j’ai aimé ses réformes courageuses et sa façon régalienne de diriger la France .
Le temps passant, j’ai apprécié l’immense culture de cet homme qui savait rester simple et droit ainsi que son insondable connaissance des civilisations anciennes. J’ai vénéré l’amateur respectueux des vieux livres, le lecteur friand de nos grands auteurs et de leurs bons mots dont il enrichissait ses interventions . Nous avons perdu avec lui le dernier tribun de notre république .

Georges MARCHAIS en compagnie de François MITTERRAND


J’ai remarqué bien vite que l’argent ne l’intéressait pas, que le peuple était son souci permanent . Quand je suis allé, il y a environ une dizaine d’années, à Jarnac m’incliner devant son humble sépulture, j’ai ressenti tout le poids de cette province française excentrée dans son parcours jugé irrationnel par certains.

J’ai commencé par estimer l’homme puis je l’ai vu à la télévision avec sa fille Mazarine en train de scruter le ciel assis sur un banc de pierre et là j’ai vraiment aimé et révéré le père qui fut d’une extrême complicité et d’une grande délicatesse avec sa fille. Je suis devenu un inconditionnel du personnage peut-être parce qu’il ressemblait à l’homme dont nous rêvions tous.

 Un jour je demandais à l’un de mes amis résidant en ex-URSS pourquoi ils avaient choisi Eltsine plutôt que Gorbatchev et il me répondit sans réfléchir : « Parce qu’il leur ressemblait ! » . Je pense que nous devons méditer cette phrase . Comme Christian Prouteau, dans son dernier livre et comme le général Esquivié, je suis tombé sous le charme de cet être séduisant .

Quand on lui a reproché, vers la fin de sa vie, d’avoir été à Vichy avant d’être  Résistant, les « intellectuel-procureurs » m’ont fait penser à Fouquier-Thinville et à ses sbires Il ont un peu vite oublié le contexte de l’époque . Cela l’a peiné . Je lui ai écrit pour le soutenir et il m’a répondu …

Il était courant, en 1940, d’être  des deux partis sans se poser des questions. On disait même qu’il étaient d’accord entre eux et que l’une des grandes fautes du chancelier Hitler était d’avoir accordé un armistice à la France plutôt qu’une capitulation totale … On sait désormais que l'armée ne voulait pas de capitulation et reprochait aux politiques d'avoir "perdu" la guerre .Depuis César - au moins ! -les Français sont comme ça ! Ces travers ou ces vertus font leur faiblesse mais aussi leur force …

Attention ! je ne veux pas laver Pétain des fautes que son gouvernement a commises . Notamment la collaboration avec l’Allemagne nazie les lois anti-juives qui sont détestables . Les rafles opérés par la police aux ordres de Vichy (et notamment celles des enfants) sont intolérables mais rappelons-nous que l’homme que l’on idolâtrait n’était plus que la pâle représentation de  celui qui avait combattu en 1916 . Il avait un grand âge (plus de 85 ans !) et était presque sourd ! Ce n’est pas une excuse mais un début d’explication…

On reconnaissait au « premier Maréchal de la République » – et singulièrement les anciens combattants de 14/18 - d’avoir voulu épargner des vies humaines à Verdun.

Mon grand-père, qui a été sérieusement blessé à cinq reprises durant la grande guerre, chevalier de la Légion d’Honneur ( nommé par de Gaulle) titulaire de la Médaille Militaire et de la Croix de Guerre avec Palme et deux citations est resté toute sa vie admiratif du « Vainqueur de Verdun ».

Dans ses nombreux écrits, de Gaulle dit en substance «  Un jour, j’ai pris conscience que de Gaulle existait et j’ai essayé de lui ressembler … » . En ce qui concerne Pétain, les Français s’étaient forgés de lui une image qui ne lui correspondait pas … ou plus ! N’oublions pas trop vite qu’il a été désigné - par la Chambre de gauche élue en 1936 – pour conduire le pays et que les parlementaires ont ensuite , pour une grande majorité d’entre-eux, quitté la France . Il occupa un poste dont personne ne voulait . Les « représentants du peuple » ont bien été heureux de le trouver en juin 40 .S’il y avait eu des sondages durant la dernière guerre sachons qu’une large frange de français l’aurait plébiscité . Souvenons-nous que les fonctionnaires ont prêté le serment de fidélité au maréchal !

Dans son discours radiodiffusé de juin 4O - que tous les combattants attendaient !- Pétain a dit en substance « Je fais donc de ma personne à la France pour épargner ses souffrances… » .

Il est facile quand tout est fini d’oublier cette défaite et de ressortir ses dents de requin . Dans son procès, qui eut lieu en 1946 (*) j’ai été atterré de voir les politiques qui l’ont supplié en 1940 … l’accabler dans le seul but de retrouver … un portefeuille ministériel dans le prochain gouvernement. De Gaulle comme Napoléon avaient bien raison !

Depuis Napoléon III, c’est le seul Président à avoir « régné » démocratiquement sur la France pendant 14 ans malgré les nombreuses peaux de bananes qu’on lui mettait régulièrement sous les pieds.

Mon seul regret est de ne pas l’avoir accueilli moi-même en 1986 lorqu’il est venu incognito à Vimoutiers avec son frère, le général – qui possédait une propriété en Pays d’Auge . Il venait à chaque fois voir mes expositions – pour admirer la présentation sur Marie Harel et le camembert.

J’avais remarqué sur le livre d’or la mention « un sujet qui unit tous les Français ! » signé François Mitterrand mais j’avais pris cela pour l’œuvre d’un plaisantin . Quand, quelques jours plus tard, je reçus le Dr.François BAUGE, Maire de Lisieux et membre de la commission des Affaires Culturelles du Conseil Régional de Basse-Normandie, celui-ci, signant le livre d’or me précisa : « Je vois que le Président est venu vous rendre visite avec son frère le même jour que moi à l’Hôtel de Ville de Lisieux . Je les ai reçus lors d’une visite anonyme du Pays d’Auge »… » je compris


Pour conclure, j’emprunterais à mon père cette affirmation « Quand tu as fait du bien à quelqu’un dans le besoin ne t’étonnes pas que cette même personne t’ignores quand sa situation s’est améliorée … » et à Lino Ventura cette phrase : « QUI ES-TU TOI, POUR ME JUGER MOI ? »


(*) Ma compagne, qui possédait les minutes de ce long procès,  m’en a offert la lecture .


Dessin de Gérard ROGER

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