Le Pin-Au-Haras
Il y a 65 ans…
… la dernière volonté du Maréchal Von Kluge …
L’ « invincible » et légendaire Maréchal Erwin Rommel commandait le front de Normandie jusqu’à ce jour du 17 juillet 1944 où sa voiture fut mitraillée par l’aviation alliée à l’entrée de Vimoutiers. Son chauffeur fut tué sur le coup et lui-même très grièvement blessé. Transporté à Livarot puis à l’hôpital de Bernay il entama ensuite une longue convalescence en Allemagne.
Il fut remplacé à son poste par le Maréchal Gerd Von Rundstedt, à son tour remercié fin juillet compte-tenu de l’avancée insolente des troupes de libération sur le sol normand.
C’est alors au Maréchal Hans Günther Von Kluge que Hitler confie le commandement des armées de Normandie avec pour seule instruction du Führer de rejeter l’envahisseur à la mer.
Début août, la situation est désespérée pour le commandant du front Ouest. Le front de défense a été percé à Avranches, la Poche de Falaise se referme de jour en jour. Hitler a échappé à un attentat le 20 juillet et soupçonne la majorité de ses généraux et maréchaux d’être impliquée dans cette affaire.
Impliqué dans le complot, Rommel est limogé, devant choisir entre le tribunal militaire ou le suicide pour lequel il optera le 14 octobre 1944.
A son tour, Von Kluge, le jeudi 17 août au matin, reçoit la confirmation qu’il est relevé de son commandement et rappelé par Hitler à Berlin. Il est, le jour même, remplacé à ce poste par le Feldmarshall Model qui se trouve à Paris.
Ce même jour, Falaise est libérée par les Canadiens et les Américains sont déjà à Dreux.
En pleine Bataille de l’encerclement et de l’inexorable fermeture de la Poche de Falaise-Chambois, la voiture du Maréchal déchu arrive à s’exfiltrer du dispositif, par l’Est.
Vers 10 heures du matin, une voiture allemande avec un officier à son bord s’arrête devant la grille d’honneur du Haras du Pin qui est fermée en permanence depuis l’annonce du Débarquement et les évènements tragiques de juin et juillet. L’officier demande au palefrenier planton du Haras, dans un français parfait, si les étalons de Pur Sang sont là car son Chef d’Etat Major souhaite les voir et sera là dans un quart d’heure.
Seul officier des Haras présent au dépôt d’étalons ce jour là, Monsieur Maurice O’Neil est appelé et arrive à la grille lorsqu’une autre voiture s’y stationne avec à son bord le Maréchal Von Kluge, en personne, qui se présente également en excellent français. Le représentant du Directeur du Haras, absent, se présente à son tour et le Maréchal réitère sa question de savoir si les étalons du Haras sont ici.
Maurice O’Neil confirme que depuis la fin de la monte, début juillet, malgré les combats, notamment dans le Calvados, les étalons étaient quasiment tous rentrés de station et avaient rejoint leurs écuries habituelles en la succursale du Vieux Pin à un kilomètre d’ici, précisant, au passage, qu’il n’avait pas de voiture…
Qu’à cela ne tienne, le Maréchal l’invite à son côté à bord et à l’arrière de sa Mercedes décapotable, en ces très belles et chaudes journées d’été, puis le convoi se dirige vers le Vieux Pin.
Maurice O’Neil avouera, plus tard, avoir été très inquiet et tendu lors de ce déplacement, se remémorant le mitraillage dans la campagne proche, un mois auparavant, de la voiture du maréchal Rommel par un chasseur anglais.
L’aviation alliée était en pleine activité ce jour là au dessus du Pays d’Argentan et de la poche qui se refermait sur Chambois, bombardant et mitraillant sans relâche les véhicules suspects soupçonnés de fuir ce dispositif.
Ils arrivèrent au Vieux Pin, au son incessant du canon et de la mitraille provenant des proches collines du Pays d’Auge et notamment du Bourg-Saint-Léonard qui allait être libéré puis repris plusieurs fois durant cette journée.
Le Maréchal, calme et attentif, se fit présenter la quinzaine d’étalons de Pur Sang, avançant posément de boxe en boxe, posant de multiples questions sur leurs origines et leurs performances, sur les lieux d’élevage et sur leurs éleveurs, leur tempérament et la qualité de leurs productions.
Notre officier des Haras savait que les Allemands étaient très friands et connaisseurs en matière de chevaux de Pur Sang et que, tout au long de ces quatre années d’occupation, ils en avaient « subtilisés » un certain nombre dans la région, notamment, pour les emporter en Allemagne.
Cette visite était-elle un repérage ? Qu’adviendrait-il de ces étalons du Haras du Pin dans les jours futurs ? Fallait-il les disperser et les cacher au plus vite dans les haras voisins ?
Après quelques 35 minutes de visite, sans omettre de remercier vivement les palefreniers qui avaient présenté ces chevaux, le convoi quitta le Vieux Pin et remonta au Haras, y déposa Maurice O’Neil devant la grille d’honneur puis, après les remerciements et salutations d’usage, il reprit la route dans la direction de Paris.
Le lendemain, vendredi 18 août au matin, la 1ère Armée canadienne avait pris Trun . Des éléments de reconnaissances américains étaient en position à la « Tête au Loup » et tiraient, comme des lapins, les Allemands qui, en motos, side-cars et véhicules légers, débouchaient de la descente de la Glacière, fuyant la fermeture de la nasse, par la route de Paris.
Une dizaine de corps seront enterrés dans l’herbage des Grandchamps, proche de la route, entre le talus et la première rangée de pommiers.
Le samedi 19 août, passant prés de Verdun, le Maréchal fit arrêter sa voiture pour aller se recueillir quelques instants sur la terre où nombre de ses camarades tombèrent en 1918.
Trompant la vigilance de ses anges-gardiens qui avaient pour mission de le ramener vivant dans le bunker d’Hitler, le Maréchal dont la dernière volonté avait été de se faire présenter, tout simplement, les étalons de Pur Sang du célèbre Haras du Pin, avala sa pastille de cyanure et mourut sur le champ.
Ce même jour, la 4e division blindée canadienne était dans Saint-Lambert-sur-Dives ; la 1ère division blindée polonaise fermait la poche de Chambois à Montormel en faisant la liaison avec la 90e division d’infanterie américaine.
Les dernières troupes allemandes, qui n’avaient pas péri dans le couloir de la mort, étaient capturées et la région du Pin au Haras libérée. La Bataille de Normandie se terminait.
Entre son départ du Pin et son dernier arrêt à Verdun, Von Kluge avait rédigé, le vendredi 18 août, son testament à « mon Führer ». Ce document fut publié en 1947 et on pouvait y lire, au tout début : « … l’expression de votre volonté, qui me fut remise hier par le Feldmarshall Model, me relève de mon Commandement en Chef Ouest du Groupe d’armées B… Quand vous tiendrez ces lignes que je vous fais parvenir par l’Obergruppenführer Sepp Dietrich…Je ne serai plus…. »
Ce récit a été construit par Tanneguy de Sainte-Marie avec l’aide d’extraits de l’interview qu’il avait lui-même réalisé auprès de Monsieur et Madame Maurice O’Neil en mai 1983.
Von KLUGE – Portrait
Hans Günther von KLUGE naquit le 30 octobre 1882 à Poznan entama une carrière militaire lors de la première Guerre Mondiale où il servit comme officier d’artillerie. Lors de l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il occupait le rang de Major Général dans l’Armée du Reich.
Opposé à l’annexion des Sudètes, il fut limogé en 1938 puis rétabli dans son grade et ses fonctions l’année suivante. Le commandement de la IV e Armée lui fut même confiée lors de l’invasion de la Pologne.
Il fut promu Maréchal après son brillant comportement lors de la Bataille de France en juin 1940.
A la tête de sa IV e Armée il combattit en Union Soviétique où il remporta dans un premier temps des victoires comme la prise de Smolensk en juillet 1941 avant d’être immobilisé devant Moscou. Grièvement blessé lors d’un accident de voiture entre Minsk et Smolensk le 27 octobre 1943, il ne put reprendre ses activités qu’en juillet 1944.
S’il ne participa pas au complot des généraux contre Hitler à cette même période, il était toutefois informé du projet et partageait les convictions des conjurés.
Les soupçons de la Gestapo, chargée de l’enquête, le rejoignent sur le front de l’Ouest où il a été nommé au commandement du front Ouest en remplacement de Von Rundstedt. Sa complicité étant bientôt établie, il est invité par Hitler, le 16 août 1944, à « venir se reposer » en Allemagne. Pour éviter le sort réservé à Rommel, il préfère se suicider en s’empoisonnant au cyanure trois jours plus tard alors qu’il vole en direction de l’Allemagne.
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