J'ai demandé à son fidèle ami, le général ESQUIVIE, d'évoquer la grande figure de Pierre SCHOENDOERFFER ... de m'écrire une rubrique nécrologique de cet homme d'exception qu'il a bien connu et fréquenté.
Notre complice commun a immédiatement accepté et je l'en remercie...
" Le poète est parti... et nous sommes tristes. Magnifique commentaire de son fils, Frédéric, qui nous dit que son départ le fâche. Car cet homme n'était pas comme les autres.
Lors de son entrée à l'Institut...(A.W.) |
Toute sa vie il est resté un grand enfant, avec une formidable capacité
d’enthousiasme qui alimentait son génie pour saisir l’intime sublime du rapport
humain et le faire comprendre par son art, le cinéma. Avant d’être un homme, un
mari, un père, un ami, il était une pensée, un mythe, un poème, une lumière. Il
est difficile d’associer le départ physique de l’homme et l’interruption de son œuvre aussi immortelle
qu’universelle … on est tous fâchés.
Pierre Schoendoerffer, n’était pas un militaire mais ses pas de
journaliste l’ont conduit en ce vingtième siècle de violence sur les théâtres
où se mesurait cette violence. Il a alors côtoyé la guerre et surtout ses
exécutants de base en découvrant qu’ils étaient les véritables héros méconnus
de ces affrontements décidés par d’autres. Il a ainsi redécouvert, les
grandeurs et servitudes militaires, et leur a donné des heures de gloire grâce
à son génie cinématographique et à sa maîtrise du septième art. Il a découvert
le simple et authentique héroïsme dans le comportement de soldats d’une section de l’Armée française en
Indochine. Cela s’est traduit par cet extraordinaire film « La 317 ème section » qui est une
évocation culte non seulement pour nous français mais aussi pour l’étranger. Il
faut se souvenir d’un autre film qui retrace le parcours d’un officier de
marine atypique dont il a voulu montrer l’héroïsme ordinaire et quotidien, sous
le titre « Le Crabe Tambour ».
Les américains ont aussi fait appel à ce conteur unique avec la
réalisation d’un film sur l’armée américaine au Vietnam ; ce fut « La
section Anderson ». Et puis il y eut ce film terrible et magique qu’il
voulut et sut faire sur Dien Bien Phu, car cet homme a vécu dans la cuvette ce
combat qui vit la défaite de nos troupes et le départ en captivité. Le film est totalement atypique
encore une fois car il rend hommage aux petits, les sans grade , les soldats de
base qui ont tant souffert dans le silence et l’abnégation . Ill les
inscrit ainsi dans l’Histoire trop souvent réservée aux Grands chefs de guerre
et aux stratèges. Dans ce film il y a un moment sublime, qui se passe sur le
tarmac de l’aéroport de Saigon. Dien bien Phu vit ces derniers jours et tout le
monde le sait. Néanmoins des parachutistes en file indienne attendent de
pénétrer dans l’avion qui va les larguer sur la cuvette d’enfer. Un journaliste
interroge un de ces parachutistes au hasard :
« Pourquoi aller
la-bas ? (sous-entendu ; c’est fichu ) »
Réponse du soldat : « Parce qu’il y a des
copains là-bas ! »
C’est sublime, c’est héroïque, c’est humble, c’est Français. Gloire à ces
héros dont les restes sont à jamais
perdus dans la terre de Dien Bien Phu.
J’ai eu cet immense privilège, honneur, fierté de faire la connaissance
de Pierre Schoendoerffer il y a une trentaine d’années. J’ai passé des heures
inoubliables avec lui et sa famille dans leur propriété de Bretagne. Je pense à
son épouse sans laquelle il n’aurait jamais pu faire ce qu’il a fait. Elle
était elle-même grand reporter quand elle a fait sa connaissance. Elle a
abandonné son métier pour s’occuper uniquement de son mari et de sa famille.
Elle veillait sur tout afin qu’il puisse se consacrer uniquement à son œuvre, à
ses créations. Depuis nous nous sommes retrouvés à maintes occasions, toujours
dans une ambiance très familiale. Son appétit de savoir, de comprendre, sa
générosité étaient inchangés, hors des
contraintes matérielles. Il était un être pur et spontané comme jamais il m’a
été donné d’en rencontrer. Il va rester comme un exemple pour les générations à
venir comme il l’est pour ses enfants et pour les nôtres.
Général ( 2S ) Esquivié Jean-Louis
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