Dans le n° 764 de "MARIANNE", Claude LANCELIN et Anne ROSENCHER consacrent un papier au "Retour des héritiers" et écrivent notamment :
"... à la manière du XXe siècle: un monde dans lequel, " quand on naît dans l'élite, on reste dans l'élite, on meurt dans l'élite", explique Thierry PECH.
"Pour l'instant, la promesse méritocratique est encore en partie tenue: le diplôme compte toujours plus qu'au temps du père Goriot" tempère Thomas Piketty, Professeur à l'Ecole d'économie de Paris "mais est-on bien sûr que ce soit irréversible ? Je pense, hélas, que non. A un moment, ça peut vraiment partir dans le décor." Il y a encore cinquante ans, on pouvait se payer le luxe de condamner, derrière l'apparente méritocratie instaurée par le diplôme, une autre forme d'héritage,culturel cette fois. Mais, dans un système où les privilèges matériels les plus insensés semblent désormais voués à rester concentrés dans les mêmes familles, ce laisser-passer fait figure de garde-fou. Il semble désormais bien loin le temps où Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron, dans un essai célèbre intitulé "Les héritiers"(1964), dénonçaient l'hypocrisie des concours républicains, repeignant les privilèges culturels de naissance en "mérite". Un tour de bonneteau servant, à leurs yeux, à légitimer un héritage social. " Ainsi masqué, le "racisme de classe" peut s'afficher sans jamais apparaître", écrivaient les deux sociologues.
Aujourd'hui, le diplôme apparaît au contraire, comme l'ultime digue contre le piston, la rente et le favoritisme généralisés. Et celle-là prend l'eau de toutes parts. Le phénomène n'est pas nouveau, mais les chiffres n'en restent pas moins chaque fois plus sidérants. Désormais le nombre d'enfants d'ouvriers réussissant à intégrer les grandes écoles de la République est infime et ridicule : 2,9% pour l'ENA, si l'on se réfère à la promotion 2009 ( site de l'Observatoire des Inégalités, www.inégalité.fr) et 4,5% pour Sciences-Po (Site officiel de l'Institut), qui s'est pourtant illustré par une politique volontariste d'ouverture aux élèves défavorisés issus de ZEP. Et avec une moyenne de 0,51% de fils d'ouvriers dans ses effectifs ( soit 31 élèves sur 6054 entre 1990 et 2006), la star des écoles de commerce, HEC, obtient sans surprise la palme de l'endogamie bourgeoise ( sources "Actes de la Recherche en Sciences Sociales). Sans même parler de respect de l'égalité des chances, tous ces éléments ne favorisent évidemment pas le renouvellement des élites et l'ascension de nouveaux talents. "Nous avons vraiment le sentiment d'être revenus à la France des 200 familles de Daladier." affirme la sociologue Monique Pinçon-Charlot, coauteur avec son époux, Michel du "Président des riches" (2010)n best-seller dont une édition revue et corrigée vient d'être publiée à la "Découverte".."
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