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mercredi 7 décembre 2011

A PROPOS DE L'EUROPE...


«…Voilà des années que les gnomes de Bruxelles, sans mandat et sans contrôle, au mépris de l’idée même de démocratie, ont troqué insensiblement l’idée européenne contre l’idée libérale. Les peuples l’ont bien compris ; ce fut le sens du non français et néérlendais au référendum de mai 2005 et sur la constitution européenne. Je me reprocherai longtemps de ne pas l’avoir alors saisi.
On dira que le Traité de Rome (1957) était déjà fondé sur l’idée de libre-échange à l’intérieur d’un marché commun . Mais ce libre-échange n’avait rien à voir avec le déchaînement du capitalisme sauvage qui, sous les couleurs du libéralisme, a submergé le monde dans les années 80. Autrement dit, à la place de l’Europe volontariste, celle de Jean Monnet mais aussi de De Gaulle, nous avons laissé se faire l’Europe de Thatcher, c’est à dire une Non-Europe. L’élargissement progressif, voulu par les Anglais, de six à vingt-sept membres n’avait dans leur esprit qu’un objectif : noyer l’idée européenne dans l’idée libérale ; paralyser toute volonté politique en Europe au profit des Etats-Unis d’Amérique. Contre-eux, l’euro, voulu par Mitterrand et accepté par Kohl, fut le dernier sursaut de l’esprit européen.
Depuis lors, l’Europe est une construction baroque et schizophrène. L’euro supposait en effet un gouvernement économique en Europe… »
« … Mais les antimaastrichtiens – que je distingue soigneusement des antieuropéens – auraient tort de se réjouir des inconséquences et des malheurs de l’Europe de Bruxelles. A trop pousser leur avantage actuel, ils ne feraient que tirer les marrons du feu au profit de Marine Le Pen, c’est à dire un mélange d’isolationnisme, de nationalisme et de xénophobie. Il n’est que d’observer avec quelle jubilation celle-là, à chaque débat télévisé auquel elle participe, fait son marché auprès des antimaastrichtiens de gauche, et avec quelles difficultés ceux-ci tentent de se défaire de cette embarrassante connivence.
Alors que faire ?
Faire une croix sur les querelles idéologiques du passé, sortir de la confusion actuelle et reprendre la construction européenne là où elle fut abandonnée à l’aube du libéralisme trompant. C’est ce que propose Claude Allègre dans un essai vigoureux et convaincant, dont je partage l’esprit et les conclusions. Cela suppose que la Commission de Bruxelles renonce définitivement à l’idée de l’Europe nation au profit de l’Europe des nations, c’est à dire à toute tentation d’intégration subreptice contre la volonté des Etats. L’Europe de demain ne sera pas supranationale mais internationale… »


Extraits de l'éditorial de Jacques JUILLARD dans l'hebdomadaire "Marianne" N° 753

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